À la découverte des afters montréalais
28 juillet 2022Par Mélissa Moriceau
*Ce texte s’appuie sur une recherche financée par le fonds de mobilisation des connaissances de TRYSPACES.
Les « afters », « raves » ou soirées « underground » se caractérisent par une réglementation plus permissive : certains évènements adoptent une politique BYOB (bring your own booze), ouvrent plus tard que la majorité des lieux festifs conventionnels (6h du matin et plus) et tolèrent la consommation de drogue. Certaines scènes se rapprochent de la légalité (acquisition d’un permis d’alcool, location de salles de réception) tandis que d’autres s’organisent de façon plus « sauvage » (pas de permis d’alcool, vente d’alcool après 3h). À Montréal, ces évènements se tiennent majoritairement dans des espaces locatifs dans les secteurs industriels. Gentrification, plaintes liées au bruit : ces scènes ont un cycle de vie limité, certaines ont fermé leurs portes tandis que de nouvelles ont fait leur apparition aux marges de la ville. À partir d’entrevues semi-dirigées auprès d’une dizaine de jeunes participants réguliers, j’ai cherché à comprendre les raisons qui les poussent à fréquenter ce type d’événement dans une ville telle que Montréal, réputée pour son effervescence culturelle et sa myriade de bars, clubs, salles de concerts et autres lieux de divertissement.
Si ces lieux de rassemblements alternatifs sont appréciés par les jeunes, c’est essentiellement parce qu’ils reformulent l’idée de liberté et du « vivre-ensemble ». En prenant la liberté de se terminer à l’aube, ces évènements redéfinissent d’abord l’amplitude temporelle de la fête et en modifient ses rythmes. Par rapport aux bars où l’on « se bouscule », où tout est plus « rapide » et « intense », le rapport au temps prendrait une nouvelle dimension. Cesser d’être dans la précipitation et dans la consommation effrénée avant 3h permettrait d’explorer davantage le moment présent en permettant de s’échapper du « temps ordinaire ». C’est également l’assouplissement des règles qui régulent le monde de la nuit, qui séduit dans ce type d’évènement. Figures de l’anti-club, ces espaces proposent un dispositif scénique différent de celui que l’on voit habituellement en club : pas de barrière, par exemple, entre le DJ et le spectateur, l’artiste étant souvent au même niveau que le public, ni de bouncer, ou lorsqu’il est présent, son rôle se réserve à la seule vérification des billets. Dans ce type d’évènement, le respect de l’autre, de son identité de genre et de son orientation sexuelle est un principe fort. Si les jeunes se sentent libres dans ces espaces, c’est aussi parce qu’ils véhiculent le message de venir comme on l’entend, sans jugement.
De ces moments éphémères, de ces rencontres et de ces expériences, qu’est-ce qui subsiste, qu’est-ce qui survit ? Si la littérature sur le phénomène rave considère que la participation du jeune débouche sur une identification au mouvement (Petiau, 2004), cette réalité est plus nuancée dans le cas des afters montréalaises, et particulièrement pour les participants les plus âgés. L’engagement des jeunes dans ces milieux underground est bien réel, mais reste périodique et utilitaire. Si pour plusieurs, la techno fait effectivement partie de leurs vies, elle ne vient pas conditionner leur identité de jour. Les jeunes ont une vie tout à fait conventionnelle la semaine, puisqu’ils assument généralement une vie professionnelle ou scolaire qui occupe la majeure partie de leur temps. Comme si finalement, beaucoup trouvaient leur liberté dans la nuit.