L’expérience des jeunes femmes dans l’espace public à Zapopan (Mexique) : analyse de genre et perspectives urbaines
mexico - montreal
Projets étudiants 24 mars 2020L’espace public est une ressource fondamentale, offrant des possibilités d’interaction sociale, de développement personnel et de bien-être. Cependant, les jeunes femmes sont confrontées à une exclusion systémique du domaine public. Comment expérimentent-elles les espaces publics lors de leurs déplacements quotidiens dans les zones urbaines à faible revenu?
Par Amélie Boudot
Cette recherche-action a été menée dans un quartier périphérique de Zapopan, dans la région de métropolitaine de Guadalajara au Mexique. Nous appuyant sur une méthodologie féministe et utilisant des outils d’éducation populaire, nous avons collaboré avec 10 jeunes femmes âgées de 15 à 19 ans. Nous avons procédé à une revue des documents officiels (plans, programmes, politiques locales, etc.) et à des entretiens semi-structurés avec 12 acteurs clés (employés municipaux, groupes communautaires, etc.). Nous avons constaté que les jeunes femmes vivent une double exclusion dans l’espace public: d’une part, l’exclusion est liée à l’inégalité de genre et à la violence qu’elles vivent; d’autre part, l’exclusion provient d’un paradigme centré sur l’adulte et à la perception sociale selon laquelle elles sont vulnérables. Enfin, le projet montre que les processus participatifs en matière d’urbanisme sont utiles pour produire des connaissances à partir de l’expérience quotidienne, et pour permettre aux exclus de reconnaître leur condition et de s’engager dans des actions qui transforment leur cadre de vie.
Faits saillants
Partant de la prémisse du droit à la ville, de l’(in)justice spatiale et du contexte de l’inégalité des genres, le problème de l’accès des jeunes femmes aux ressources de la ville est devenu évident. En particulier, elle se traduit par une mobilité limitée et des restrictions à la capacité des jeunes femmes d’occuper et de participer à l’espace public qui est essentiel à leur socialisation, à leur bien-être et à leur développement.
Face à un contexte urbain défavorable à la réalisation de leur droit à la ville, cette recherche questionne l’expérience dans l’espace public des jeunes filles issues de milieux défavorisés, en particulier lorsqu’elles se déplacent.
Cette recherche-action répond à trois objectifs: a) produire des connaissances sur les expériences spécifiques des jeunes femmes dans les espaces publics, au cours de leurs déplacements quotidiens; b) favoriser l’autonomisation individuelle et collective dans un contexte d’inégalité de genre; c) informer la politique urbaine locale en vue d’une justice spatiale.
Ce qui a été fait en 2019
La recherche a été menée cette année. Une première phase pour établir un contexte a été mise en œuvre en 2018, avec la réalisation d’entrevues semi-structurées avec des acteurs clés autour de l’expérience urbaine des jeunes femmes. Une deuxième phase a ensuite été conduite en 2019, qui consistait à mener un processus participatif avec 10 jeunes femmes provenant du quartier Miramar à Zapopan. Durant ce processus nous avons analysé les expériences des participantes dans l’espace public avec diverses méthodes participatives telles que les cartes mentales, la cartographie du corps, la photographie, les groupes de discussion et les marches exploratoires. Nous avons ensuite réfléchi à des solutions et recommandations urbanistiques dans le but d’améliorer leurs expériences dans l’espace public. Finalement, une présentation a été organisée durant laquelle les participantes ont présenté le processus à des employés municipaux, des élus, des groupes communautaires ainsi que des employés du gouvernement de l’état.
Résultats préliminaires
Parmi les différents résultats obtenus, deux éléments sont à souligner comme étant les plus significatifs.
Tout d’abord, on observe que les jeunes femmes vivent une double exclusion dans l’espace public et voient par conséquent leur droit à la ville insatisfait. La première exclusion est liée à l’inégalité de genre et à la violence qu’elles vivent en tant que jeunes femmes. La seconde est associée au paradigme centré sur l’adulte et à la perception sociale selon laquelle les jeunes femmes sont vulnérables. Par conséquent, l’accès des jeunes femmes à l’espace public est limité et contrôlé. Sur la base de ce constat, nous concluons que l’expérience vécue par les jeunes femmes dans les espaces publics favorise encore plus l’insécurité, la violence et l’inégalité. Par conséquent, si nous voulons vraiment leur donner la possibilité d’exercer leur droit à la ville, il est important qu’elles comprennent leur condition et qu’elles participent à la construction de l’environnement urbain dans lequel elles vivent.
Deuxièmement, nous montrons que les processus participatifs en matière d’urbanisme peuvent être bénéfiques et puissants, en particulier pour favoriser la réalisation du droit à la ville. En effet, grâce aux outils participatifs, nous avons pu non seulement obtenir beaucoup d’informations sur les expériences des jeunes femmes, mais aussi nous avons pu comprendre leurs préoccupations et prendre en compte leurs idées et leurs solutions. Plus que cela, nous avons constaté qu’il s’agissait d’un processus de changement puissant. En d’autres termes, nous avons pu consolider, à un niveau personnel et collectif, leurs capacités à agir en tant que personnes, leurs capacités à produire, transformer et concevoir l’espace.
Consultez la thèse complète ici: https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/handle/1866/23604