Grandir en ville, partager les espaces urbains

paris

Student Projects
24 March 2020

La production des espaces publics au prisme des jeunesses populaires
à Paris et Barcelone. – Ma recherche porte sur la production des espaces publics urbains dans deux quartiers populaires en gentrification à Paris et Barcelone, à travers le prisme des jeunesses populaires.

Par Alice Lancien

Faits saillants

Cherchant à dépasser les débats oscillant entre la désertion des lieux publics de la part de certaines jeunesses et la suroccupation de la part d’autres groupes de jeunes, je propose d’aborder le rapport aux espaces urbains des jeunes de milieux populaires à travers leur rôle dans la production des espaces publics. Les travaux portant sur la production des espaces publics urbains se sont pour la plupart centrés sur des espaces centraux et emblématiques, s’intéressant à l’action publique à travers le point de vue des acteurs   (Fleury 2007; Froment-Meurice 2016).  Dans cette recherche, j’analyse la production des espaces publics urbains en situation, m’intéressant à l’articulation entre leur « construction sociale », à savoir les transformations qui se produisent à travers les échanges, les mémoires, les images et usages quotidiens, et leur « production sociale », résultat d’une émergence historique, politique et économique  (Low 2009). Si les rapports à l’espace participent à la constitution des modes de vie des jeunes, comment se reconfigurent ces modes de vie dans un contexte où les espaces publics sont de plus en plus encadrés ? Comment les jeunes filles et garçons vivant dans des quartiers populaires de centre-ville en gentrification contribuent-ils à la production des espaces urbains ? Comment trouvent-ils leurs places et quelles places leur donnent les politiques publiques ?

Ce qui a été fait en 2019

– Réalisation d’ateliers collectifs et de vidéos avec deux groupes de jeunes à Paris et Barcelone (25 jeunes de classes populaires, âgés de 14 à 25 ans, à partir de critères similaires au terrain parisien : équilibre filles-garçons, diversité de profils (scolarisés, sans emploi, en formation, sans formation sans emploi), de liens avec les structures jeunesse, et de rapport au quartier (habitant dans le quartier, y ayant habité auparavant, scolarisés dans le quartier ou non).

– Enquête de terrain dans les espaces publics et structures jeunesse à Paris et Barcelone

– Entretien semi-directifs avec les jeunes ainsi qu’avec des acteurs en lien avec les jeunes.

Résultats préliminaires

La recherche s’articule autour de trois axes d’analyse :

1- La transformation des quartiers populaires de centre-ville : quelles places pour les jeunesses populaires ?

Le premier axe vise à réaliser une analyse croisée entre Paris et Barcelone de la place des jeunesses populaires dans la reconfiguration sociospatiale de ces deux villes depuis la fin des années 70. Il s’agit là de mettre en évidence, à partir de l’analyse de la manière dont les sciences sociales ont traité dans chaque étude de cas le rapport des jeunes aux espaces urbains, l’articulation entre les structures de ségrégation urbaine, les politiques jeunesse et les politiques de régénération urbaine où la transformation des espaces publics a joué un rôle central.

2- L’expérience urbaine et la production des espaces publics des jeunes de classes populaires dans les centres-villes en gentrification : conflits d’appropriation et fragmentation sociospatiale

Le deuxième axe analyse les pratiques urbaines des jeunes dans et en dehors du quartier à partir des conflits d’appropriation dans les espaces publics. Loin d’une image des jeunes de quartier immobiles, le rapport aux espaces urbains des jeunes de classes populaires vivant en centre-ville présente une ambivalence entre reproduction d’espaces de confort, limites et continuités urbaines diverses qui se produisent dans la co-présence avec d’autres groupes sociaux. Je m’intéresse ici aux formes de sociabilité développées, de l’entre-soi à l’altérité et aux manières d’habiter la ville à différentes échelles.

3. Pratiques et politiques de régulation et gestion urbaine au prisme des jeunesses populaires à Paris et Barcelone : une catégorie de gestion des espaces urbains ?

Le troisième axe s’intéresse à la construction sociale de la catégorie « jeunesse populaire » dans la production et la régulation des espaces publics urbains à La Chapelle et dans le Raval, à partir de l’analyse des pratiques et représentations des gestionnaires urbains. Dans les deux études de cas, la place des jeunes dans les politiques urbaines prend différentes formes autour des polarités invisibilité / visibilité et ressource/menace, incarnées de manière différente selon les acteurs et les situations.