Séminaires Tryspaces : Jeunes-Espaces-Transformation

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29 May 2020

Espace de croisement des savoirs  entre chercheurs et acteurs locaux autour de la question des rapports entre jeunes des quartiers populaires et institutions

Ce cycle de séminaires avait pour objectif d’être un espace de réflexion à long terme permettant d’apporter des éclairages sociologiques sur les problématiques présentes dans la ville de Saint-Denis. Il a été conçu à partir des concepts de Tryspaces : les transformations urbaines à partir du vécu des jeunes des quartiers populaires, la transgression et la relativité des normes comme processus socialement productif et la question de la visibilité dans les espaces physiques, virtuels et politiques. Cette année nous avons interrogé les rapports qu’entretiennent les jeunes avec les institutions à partir de séances multiformes.

Quatre sociologues sont intervenus :

Séance 1 : Gérard Mauger, « Comprendre les phénomènes de violence dans les quartiers populaires », pour un cadrage théorique et historique des problématiques de violences et des « bandes de jeunes » (très présentes à Saint-Denis), non comme des phénomènes nouveaux mais à comprendre dans une histoire longue de la jeunesse populaire et ouvrière. Celles-ci sont fondées sur la virilité et le groupe de pair constituant un « capital agonistique » qui s’éprouve dans l’affrontement. Reconverti dans le travail jusque dans les années 1980, ce capital trouve aujourd’hui (face à la montée du chômage et à la tertiarisation), sa place dans le business qui valorise la force physique, la défense d’un territoire, la rémunération et l’appartenance à un groupe. Avec la massification scolaire les phénomènes de bandes interagissent avec le parcours et le milieu scolaire.  

Séance 2 : Fabien Jobard, « Police et jeunesses des quartiers populaires », pour une approche socio-historique de la constitution de la police et de ses rapports avec les jeunes. Déjà à son origine, la police est créée pour contrôler les jeunes dans l’espace public au moment de l’industrialisation et de l’arrivée massive de jeunes hommes en ville. En France elle devient de plus en plus centralisée contrairement aux Etats-Unis ou en Allemagne par exemple. Des expériences de police de proximité ont existé dans les années 1990 mais n’ont pas perdurées. Aujourd’hui on retrouve toujours cette même pratique de contrôle des jeunes hommes (sans emploi) dans l’espace public dans un contexte de précarité et dirigée notamment vers les jeunes issus de l’immigration. 

Séance 3 : Fabien Truong, « Le défi scolaire » : le sociologue est venu nous présenter son film Les Défricheurs co-réalisé avec Mathieu Vadepied et des élèves du lycée Paul Eluard. Il  montre le parcours de trois élèves en classe de terminale à Saint-Denis qui préparent le bac. Ils s’imaginent devenir prof de sport, trader ou avocate. Ils écoutent d’anciens élèves venus raconter leur parcours. Ils reviendront au lycée deux ans et demi plus tard témoigner, à leur tour, du chemin accompli et transmettre leurs conseils aux futurs bacheliers. Pour beaucoup de jeunes issus de familles populaires, le fait d’avoir le bac représente un signe de réussite, un statut valorisant et valorisé aux yeux de la société et de la famille et une opportunité pour construire une ascension sociale par l’école. Mais des réajustements entre les projections initiales et les possibles sont souvent nécessaires. Au sein de leur parcours, les jeunes se confrontent avec d’autres univers sociaux et questionnent leurs appartenances. Qu’ils réussissent ou non, ces « défricheurs » peuvent transmettre les « bonnes ficelles » aux générations suivantes et leur montrer qu’il est possible d’accéder à des filières ou les jeunes de classe populaire et/ou d’origine immigrée ne se sentent pas forcément représentés.

Séance 4 : Marie-Hélène Bacqué, « Jeunesse et citoyenneté » : lors de cette table ronde des jeunes et des animateurs sont venus nous raconter leurs expériences de l’engagement. Ceux-ci partent de leurs expériences quotidiennes favorisées par les réseaux sociaux produisant un décloisonnement des frontières territoriales. Des mobilisations souvent spontanées et ponctuelles portant sur des problématiques concrètes. Les engagements sont également favorisés par des transmissions familiales ou de rencontres avec des éducateurs, professeurs, militants du quartier, responsable de services jeunesse, ces « anciens » qui « montrent » et qui jouent un rôle de passeur avec les institutions. L’engagement est vécu comme un parcours, formateur. On constate une grande méfiance envers la scène politique à laquelle sont opposées des valeurs telles que  l’ « humain » ou la « gratuité ».

Les savoirs mobilisés lors de ces séances nous sont très utiles lors des débats avec les jeunes, travailleurs sociaux ou équipes municipales. Les questions soulevées lors des séances ressortent à chaque rencontre et les éclairages apportés par les séminaires nous permettent de recontextualiser les discussions, de donner aux discours ou aux actes observés des dimensions plus sociologiques et collectives.